Autisme démocratique

Depuis Bondoukou, la capitale du Zanzan – dans l’est du pays – où elle était réunie pour sa 126ème assemblée plénière ordinaire, c’est un véritable cri du cœur, un appel au courage, à la responsabilité et à la dignité que la Conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire (CECCI), a lancé pour conjurer le mauvais sort.  

Tragédies humaines

Sous le poids d’une histoire pas si lointaine, marquée par des tragédies humaines insoutenables et des traumatismes causés par des élections rarement apaisées qui ont trop souvent débouchées sur des violences et des divisions, le peuple retient son souffle. Qui ne se souvient plus des atrocités commises, des scènes déchirantes de la crise postélectorale de 2010 ? Lorsque des milliers de vies ont été détruites, des destins brisés, des familles séparées, des femmes violées, des villages réduits en cendres. Qui a oublié 2020 ? Tout simplement parce que le temps d’un scrutin, la raison et le bon sens sont mis en berne. Le droit d’exprimer son choix dénié par la haine et la manipulation. Les images des cadavres jonchant les artères des rues dans nos villes pourront-elles s’effacer de notre mémoire collective ? 

Tirer les leçons de nos errements

Pourquoi, au lieu de reproduire les schemas qui mènent au chaos,  ne pas tirer les leçons de nos égarements, procéder individuellement à un examen approfondi de conscience ? Se repentir, demander pardon et prendre l’engagement de faire amende honorable. Lors d’une élection, chaque article de loi tronqué, chaque voix volée, chaque urne manipulée ou vandalisée, chaque vie perdue dénature la politique dans son essence.

Eviter la répétition des horreurs

Dans leur communiqué, les évêques n’ont pas seulement fait que souligner l’importance de la transparence et de l’équité dans le processus électoral. Ils ont aussi mis en lumière une évidence qui s’impose : les élections ne signifient pas néantisation de l’autre. Pas plus qu’elles ne devraient fertiliser la souffrance et les larmes des plus vulnérables. Bien au contraire, leur unique raison est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de tous.  Même des adversaires politiques, qu’on ne veut pas voir en peinture !

Responsabilité individuelle

Il revient donc à chaque candidat, chaque électeur, chaque militant et partisan, la responsabilité de comprendre que chaque bulletin de vote est porteur d’une histoire, un rêve, une famille, un destin. Aussi différent soit-il du nôtre, aucune soif de pouvoir n’a le droit de le détruire. Il faut un peu de tout pour bâtir un monde ! Une société multiculturelle riche de sa diversité.  

Le marché noir des votes, les manipulations électorales à relents ethnocentristes ou communautaristes, les menaces et violences en tout genre sur l’échiquier politique tranchent avec les aspirations qui motivent le service à la nation. Sert-on le peuple contre sa volonté ? Le service à la nation fait-il bon menage avec l’exacerbation des tensions et des peurs ? Le recours excessif à ces pratiques revolues constitue la preuve que c’est encore loin, très loin d’ailleurs la démocratie ! 

Plus qu’une occasion de peur, l’élection à venir devrait représenter une opportunité supplémentaire de tourner la page d’un passé douloureux et de bâtir un avenir commun radieux. Un défi qui engage notre responsabilité individuelle et collective. La Commission électorale indépendante (CEI) dont on est en droit d’attendre une disposition à l’écoute et à la prise en compte des griefs de l’opposition, si tant est qu’ils sont conformes à la loi. Aucune élection ne peut se targuer d’être démocratique en s’émancipant des normes. Les citoyens tenus de garder à l’esprit « les implications de leurs choix lors de élections ». Pour ne pas avoir à se défausser sur les politiques qui ont l’immense devoir de préserver la paix, au risque de règner sur des nécropoles. Les forces de maintien de l’ordre et de  sécurité dont la posture républicaine, le professionnalisme ne sauraient être sujet à caution.   

Foi en un avenir meilleur

Loin de prospérer dans le vent, la déclaration des évêques mérite d’être perçue comme un appel au ralliement pour tous ceux qui ont foi en un avenir meilleur. Tous ceux qui ont perdu un être cher à cause de la politique. Tous ceux qui réfusent de céder à la fatalité et qui rêvent d’un pays où la vie humaine est sacrée. C’est une exhortation à se mobiliser pour protéger la nation. Mettre un bémol à la violence.

Que 2025 prenne donc des allures d’espérance vraie pour que la Côte d’Ivoire guerisse de son autisme démocratique et devienne enfin, un phare de la démocratie en Afrique de l’Ouest. C’est possible !

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