Bettié, pourquoi et comment ?
La semaine qui s’achève a été marquée par deux évènements majeurs. L’investiture du nouveau président élu des Etats-Unis, le 20 janvier et l’incendie de la brigade de gendarmerie de Bettié, dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, environ 200 Km d’Abidjan, de la capitale économique ivoirienne, un jour plus tard.
Leçon de démocratie et d’honnêteté
De la cérémonie d’investiture hautement médiatisée de Donald Trump, un enseignement à retenir. A peine entré en fonction, l’un des hommes les plus puissants du monde a mis en scène, à travers la signature d’une dizaine de décrets, sa volonté de respecter ses promesses de campagne. Celles qui lui ont valu la confiance de ses concitoyens.
« L’âge d’or de l’Amérique » qu’il ambitionne d’impulser ne pouvait pas mieux commencer. Par le respect des engagements et de la parole donnée. Une leçon de démocratie et d’honnêteté qui devrait inspirer la classe politique ivoirienne à un peu moins de dix (10) mois d’une présidentielle redoutée par certains observateurs.
« La parole, vecteur de dignité… »
Citant Emil Cioran, philosophe et écrivain roumain, l’un de nos confrères déclarait à propos, dans un post sur les réseaux sociaux ; « la seule chose qui élève l’homme au-dessus de l’animal est la parole ; et c’est elle aussi qui le met souvent au-dessous ». Ainsi, la parole, tout en étant un vecteur de dignité, peut également devenir source de déchéance lorsqu’elle n’est pas honorée. A méditer alors que les premiers actes de violence ont éclaté à Bettié en cette année qui s’annonce électrique.
Pourquoi et comment ?
Au-delà de la fermeté qui transpire du communiqué du procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abengourou, une posture qui trahit l’option du tout répressif de la justice dans le traitement de cet autre acte de défiance de l’autorité et des symboles de l’Etat, une question se pose.
Pourquoi et comment la jeunesse de cette ville, en apparence sans histoire, en est-elle arrivée à de telles extrémités ? Braver la peur du gendarme !
Récurrence d’un phénomène
Si la loi dans toute sa rigueur doit s’appliquer, l’enquête ouverte ne devrait pas occulter les causes à l’origine d’un phénomène qui s’était un tant soit peu estompé ces dernières années. La récurrence de ce mal privilégié pour exprimer ses frustrations interroge le corps social dans toutes ses composantes.
Pour rappel, le 07 juillet 2024, un individu mécontent du décès de son neveu avait mis le feu au service de pédiatrie du Centre Hospitalier Régional (CHR) d’Agboville. Aujourd’hui, c’est Bettié. De quoi sera fait le lendemain sur fond de joute électorale meurtrière par tradition depuis 1995 ?
Rapports au citoyen lambda
Au lieu de se précipiter pour crier haro sur le baudet, sous le coup de l’émotion, il y a lieu de comprendre que les événements qui ont secoué cette localité convoquent l’attitude des gardiens de la paix (gendarmes, policiers) en première ligne dans leurs rapports avec le citoyen lambda, lors des contrôles routiers.
Les forces de l’ordre dont il convient de faire remarquer que certains agents mènent ces missions de contrôle avec leurs propres moyens, font-elles toujours preuve de professionnalisme dans cet exercice ? Appliquent-elles rigoureusement la loi aux infracteurs qui sévissent sur les routes ? Ne leur arrive-t-il pas parfois de transiger ? Les brebis galeuses, comme il en existe dans tous les corps de métier, n’abusent-elles pas souvent de l’autorité que leur confère la tenue revêtue ? Quelles sont les réponses apportées aux griefs des victimes dans la majeure partie des cas ? Suffisent-elles à prévenir la récidive ? Sont-elles satisfaisantes ?
Symptomatique d’un ras-le-bol
Quoique gravissime, l’attitude des pyromanes de Bettié est symptomatique du ras-le-bol face aux agissements dénudés d’éthique de certains agents de la force publique. Pour s’en rendre compte, il suffit de prêter l’oreiller aux grognements qui fusent des véhicules de transport en commun, aux coups de sifflet sur les routes. Expression de la profonde fracture entre les populations et ceux qui sont censés les protéger.
Commission d’enquête
Il est impératif, pendant qu’il est encore temps, que Bettié serve de catalyseur pour une réflexion plus large sur la conduite de nos forces de l’ordre et sur les mécanismes de plainte et de réparation disponibles pour le public. Pourquoi, dans le droit fil de cette préoccupante actualité, afin de préserver la paix sociale, une commission d’enquête parlementaire ne se saisirait pas du dossier pour enquêter sur les allégations d’abus de pouvoir et de comportements illégaux de la part des forces de l’ordre ? Non seulement à Bettié, mais aussi partout en Côte d’Ivoire. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, songez-y !