Côte d’Ivoire suicidaire

« Alors que la Côte d’Ivoire se construit jour après jour, il apparait plus qu’urgent de ne pas ignorer les souffrances invisibles qui touchent une partie de sa population. »

La chute du document filmique de NCI Reportages, diffusé le 10 novembre 2024 sous le titre « La détresse sous silence », consacré à la thématique et à la récurrence du suicide en Côte d’Ivoire, est semble-t-il tombé dans des oreilles de sourd ! ( Consulter : https://www.youtube.com/watch?v=xZvNwk8X0DU).

 24 heures à peine après la diffusion de ce reportage, c’est par le feu qu’un homme a tenté de s’immoler. Avec lui ses déboires. Selon le site en ligne www.artici.info qui livre l’information, les raisons de cet énième acte d’en finir avec la vie dans ce paradis que tend à présenter le discours officiel à toutes les occasions, résident dans l’impossibilité pour l’infortuné Kalou d’entrer en possession de l’indemnité de la maison de sa femme détruite dans le cadre des travaux de construction du 4ème pont, depuis trois (03) ans !

Les Kalou, la Côte d’Ivoire en dénombre des milliers !  A l’image  du jeune Koffi Kouassi Appolos au quartier Libreville à Divo. Depuis deux (02) ans, les appels à la compassion de sa mère (une pauvre dame réduite à vendre du manioc séché comme moyen de subsistance) pour l’aider à faire face aux examens médicaux que nécessite l’état de santé de son fils se noient dans l’océan de nos insensibilités et désintérêts. Ça ne fait pas le buzz !

Côte d’Ivoire solidaire, avez-vous dit ?

Quelle alternative pour les laissés-pour-compte quand l’espoir est crucifié sur l’autel de nos inhumanités ?  

Les chiffres divulgués par le ministère de la santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle donnent froid dans le dos. Entre 2019 et 2021, 418 cas de suicide et 927 tentatives ont été enregistrés. 

Pourquoi l’ivoirien lambda renonce-t-il au bonheur dans lequel il nage pour le voyage sans retour ? Dans la méditerranée ou par autolyse.   

Tout simplement parce que la société ivoirienne est devenue difficile à vivre. Ce pays anxiogène abandonne ses enfants, les plus démunis surtout, à leur triste sort. Pour ne pas avoir à affronter leur souffrance, il préfère soit détourner les yeux, soit les ensevelir sous les gravats.  A tout le moins la tourner en dérision. 

L’indifférence feinte de quelques privilégiés entretenus par l’argent public, constitue malheureusement l’arbre qui cache la forêt d’un mal être collectif et profond.

La Côte d’Ivoire d’en-bas, celle qui ne peut compter ni sur un salaire régulier, ni sur un tonton haut placé dans l’administration ou au sein de l’exécutif pour lui permettre de se faire une place au soleil de la croissance à deux chiffres, se retrouve en situation de vulnérabilité chronique et aigue. Enfoncée, dans sa vie personnelle, « cette angoisse éternelle du déclin qui rend fou », pour emprunter le mot à Michel Sardou, artiste français à succès des années 80 à 90.

Faut-il dans ces conditions, s’étonner que le Programme national de santé mentale (PNSM) avance le chiffre de plus de 60 mille personnes en posture de fragilité psychologique ? En clair, nul n’est prémuni ou immunisé contre ce mal des temps modernes.

Des efforts sont certes faits à travers la mise en place d’un numéro vert et la prise en charge des personnes en situation de détresse. Le changement de discours sur le suicide est significatif. Toutefois, la plus grande avancée serait d’opérer un changement de paradigme en matière de gouvernance sociale. Off record ! 

C’est la peur au ventre que tous ceux qui opèrent dans le secteur informel – environ 80% de la population active – s’endorment et se réveillent tous les matins. Ne sachant de quoi sera fait le lendemain, ni à quelle pelleteuse sera broyé leur gagne-pain, leur raison de vivre au pays de l’argent-roi.  

Vous avez dit Côte d’Ivoire solidaire ou suicidaire ?   

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