Et pourtant…

Sur un continent  riche en opportunités dont environ les 3/4 de la population a moins de 35 ans, comment est-il possible de denombrer une masse aussi importante de personnes qui sans souffrir de déficience ou autre handicap invalidant seraient juste bonnes à voir s’égrener les heures et les jours ? Dans l’attente d’un miracle sur une terre où le rapport au divin semble déterminer et façonner les destins. A l’exclusion de toute responsabilité individuelle. 

Sans militer pour un taux de chômage proche de 0%, force est de convenir que le flot de désoeuvrés dans nos Etats relève de l’absurde. Des individus supposés inaptes à satisfaire les besoins sans cesse croissants de leurs communautés en perpétuelle mutation et dont les préoccupations se posent avec acuité.  

Selon le prisme sous lequel elles sont évoquées, les statistiques en la matière constituent une atteinte à la dignité des millions d’Africains qui se retrouvent quelles qu’en soient les raisons dans cette situation. 

Plus avilissante reste la condition des individus étiquetés inemployables. Stricto sensu, des personnes qui après avoir sacrifié de leur temps et de leur énergie à suivre une formation d’utilité publique se retrouvent en situation d’inadéquation des compétences acquises ou d’insuffisance de qualification avec les attentes du monde du travail.  

Sans absoudre les demandeurs d’emplois de leurs responsabilités, l’immobilisme  qui prévaut dans la resorption de cette problématique consacre l’incapacité des pouvoirs publics en panne sèche de stratégies innovantes et de créativité.   

Alors que d’un point de vue géostratégique, l’Afrique suscite plus que jamais l’appétit vorace des puissances étrangères sans exception, la frénésie observée vers un eldorado (?) où le chômage endémique et l’inemployabilité des jeunes diplômés mériteraient d’être érigés au rang d’urgence nationale… ; interroge nos politiques publiques en matière d’éducation et de formation. Avec en ligne de mire, l’employabilité du capital humain. Elle met en lumière le sens des priorités des décideurs.

A quoi pensent-ils en se rasant les matins ? A la prochaine génération et à son avenir ou à la prochaine élection dont le défaut de transparence engendre parfois la contestation des résultats, remet en cause le contrat social ?

Pourquoi face au désenchantement d’une jeunesse attirée par les vagues de la méditerranée en furie, une jeunesse qui se noie dans les mirages des paris sportifs et l’arnaque en ligne quand elle n’emprunte la voie du suicide pour échapper aux délices d’un paradis plus virtuel que réel, ne pas enfin opter pour un changement radical de paradigme ?

Engager des dépenses de prestige conjoncturel qui  engendrent in fine des éléphants blancs est peut-être  bénéfique pour l’image à brève échéance. Dans une perspective plus longue, ne vaudrait-il pas mieux investir dans la formation des hommes en leur permettant d’acquérir des compétences utiles au développement des Etats ? Dans des pays au sous-sol regorgeant à profusion de matières premières, dont l’un des piliers reste l’agriculture, pourquoi les établissements de formation professionnelle à vocation agricole et de transformation des matières premières sont-ils si peu repandus ? Pourquoi lesdits établissements ne bénéficient-ils pas davantage d’une mise en lumière ? L’Etat ne peut pas tout faire, c’est vrai ! L’Etat peut cependant prendre les bonnes décisions, agir utile. Exiger des investisseurs dans les secteurs stratégiques, un transfert de technologie et un accompagnement.   

Confrontés à une crise de l’emploi et à la saturation de la fonction publique, qu’est-ce qui empêchent les Etats africains de refléchir à l’instauration de l’apprentissage de métiers et à  l’initiation à l’entrepreurariat dans les programmes scolaires d’enseignement général ?

Cet enseignement tel qu’il se pratique encore aujourd’hui – comme « au temps béni des colonies » – repond t-il aux exigences sociales nouvelles ? A-t-on vraiment besoin de continuer à investir les maigres ressources dans la production, année après année, d’une horde de chômeurs dont l’existence fait courir à nos fragiles pays des risques d’instablité ? Pourquoi persister dans une voie conduisant inexorablement à l’impasse ? Dans quel intérêt fournit-on des munitions à l’implosion sociale ?    

Combien de temps après la traite négrière, la colonisation et les (in) dépendances sous tutelle, faudra t-il encore pour enfin comprendre que la course à cette Afrique supposée être mal partie qui redevient dans l’imaginaire collectif des décideurs occidentaux et de leurs rivaux, un territoire à (re) conquérir est symptômatique de notre incapacité collective à prévoir le futur et à le soumettre à nos désiderata ?  Plutôt que d’avoir à la subir de générations en générations.  

Sans un capital humain bien formé, il sera difficile de tenir le pari d’un développement endogène ouvert sur le monde.

La gouvernance prioritairement axée sur les accords de coopération, l’aide au développement et le recours à l’endettement  massif sont des leviers qui se sont montrés inopérants et improductifs. Aucun des pays africain qui en a abusé n’est sorti du lot. Preuve que l’excès nuit. Refuser de l’admettre s’apparenterait à  une volonté assumée de prospérer dans les erreurs à l’origine de l’imposition des politiques d’ajustement structurel (PAS).

Un choix stratégique qui équivaudrait à conforter Nicolas Sarkozy, président de la République de France (2007-2012) dans un pan du discours de Dakar.  » Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles », déclarait-il dans une posture de donneur de leçons.

A l’époque, ce narratif avait suscité une volet de bois vert. Et pourtant… 

 

 

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