Les opportunités d’une « malédiction »
« Contribution au fonds de développement communautaire ». Le thème de l’un des exercices de groupe soumis à l’esprit critique de la dizaine de journalistes d’investigation conviés à l’atelier de formation des journalistes pour l’amélioration des enquêtes d’investigation dans le secteur minier qui s’est déroulé à Yamoussoukro, du 22 au 25 octobre 2024 n’était assurément pas anodin.
Manque à gagner
En filigrane transparaissait la volonté de mettre en évidence un manque à gagner de 2,323 milliards de F CFA pour la Côte d’Ivoire en 2021, au titre des redevances superficiaires et des taxes proportionnelles relatives aux activités régies par le code minier. Conséquence d’une fausse facturation, l’un des leviers des flux financiers illicites (FFI), monnaies courantes dans le secteur minier.
Eu égard à l’état des finances publiques, un secret de polichinelle que s’efforce de déconstruire sans grand succès le discours officiel, cette déperdition interroge les choix stratégiques en vigueur. Un pays qui a systématiquement recours à l’endettement pour boucler son budget annuel et financer ses projets de développement ne devrait-il pas se montrer plus près de ses sous ?
Minimiser le coût de la dette
Ce type de déperdition consentie au nom d’une politique incitative de promotion des investissements extérieurs qui n’émeut plus personne, tant elle fait partie des habitudes de gouvernance tropicale, n’aurait-elle pas pu être mise à profit afin de minimiser le coût du service de la dette ?
A ce sujet, dans un éditorial signé de son directeur de publication Elie Kaboré, le magazine « Mines Actu Burkina » du mois d’octobre 2024, estime que ; « Les gouvernements des pays riches en minéraux critiques doivent mettre en place des lois et politiques et améliorer la gouvernance du secteur extractif afin de profiter des opportunités d’investissement du secteur privé, de collecte de nouvelles sources de revenus, de création d’emplois, de partenariats commerciaux, de transfert de savoir-faire, etc. »
Vision stratégique 2030
A bien des égards, cet avis mériterait la plus grande attention des autorités ivoiriennes dans leurs efforts pour atteindre les objectifs de la vision stratégique 2030. Si tant est que l’aspiration, loin d’un effet d’annonce à caractère électoraliste est réellement de ; « propulser le pays vers le statut de revenu moyen – tranche intermédiaire – et la majorité des Ivoiriens vers le statut d’une classe moyenne ».
Diagnostic des choix stratégiques inopérants
Avec l’ambition de faire du secteur minier un moteur de croissance économique majeur au regard de l’importance du potentiel géologique et minier de la Côte d’Ivoire, le moment n’est-il pas enfin venu d’établir le diagnostic des choix stratégiques inopérants, assimilables par analogie à une « rat race » étatique ou au mythe de Sisyphe ? Cette damnation des dieux qui condamne le héros de la mythologie grecque à rouler ad vitam aeternam un rocher du bas au sommet de la colline et prospérer dans ce cycle infernal sans possibilité de rémission.
Opportunité d’affranchissement
Et si cette fois, les « excréments du diable » et ses dérivés en lieu et place d’une « malédiction » comme il est de coutume de le penser, constituaient une formidable opportunité pour s’affranchir de la sempiternelle aide au développement.
A propos de « malédiction » d’ailleurs, selon Paul Collier – l’un des économistes qui fait autorité en matière de développement et de lutte contre la pauvreté – cité par Max-Emmanuel Hatzold, le responsable de la composante du projet GIZ/gouvernance du secteur extractif en Afrique de l’Ouest, dans son discours de clotûre de l’atelier en question, » ce ne sont pas les ressources extractives elles-mêmes qui sont mauvaises. C’est (plutôt) l’abondance de ressources combinées à des institutions faibles, un manque de transparence, peu de contrôles, de contrepoids et des citoyens qui ne sont pas suffisamment informés. »
Oeuvrer à l’amélioration des revenus
Ce constat étayé par les théories de trois lauréats du prix Nobel d’économie qui expliquent que les pays où l’État de droit est faible avec des institutions enclines à se sucrer sur le dos des populations ne génèrent pas de croissance et n’évoluent pas favorablement, fonde et justifie cet atelier de formation dédié au journalisme d’investigation.
Conjointement organisée par la coopération allemande et le Centre d’excellence africain, mines et environnement minier (CEA-MEM) de l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny, cette initiative visait à contribuer à une meilleure transparence et responsabilité dans la gouvernance du secteur minier. Par contrecoup œuvrer à l’amélioration des revenus issus dudit secteur.