Mes meilleures CAN : Eugène Dié Kacou lègue ses souvenirs à la postérité…

Au fil des 72 pages et neuf (09) chapitres qui composent l’œuvre, l’ex-commentateur sportif entraine, comme dans une causerie au coin du feu, le lecteur par la fluidité de son écriture dans les arcanes de la grand’messe du football africain.

Du Soudan en 1970 – pour sa première campagne – à la Guinée Equatoriale en 2015 en tant qu’observateur, invité spécial du président de la Fédération ivoirienne de Football, le regretté Sidy Diallo.

Sans concession, il révèle l’une des facettes de ces campagnes sportives dont tout le monde parle sans jamais en apporter la preuve. Immixtion du politique, collusion entre football, maraboutage et fétichisme. Un triptyque qui fait bon ménage en Afrique. En sus de quelques intrigues.

La CAN 84 organisée – comme un cheveu sur la soupe – avec faste en Côte d’Ivoire en dépit d’une campagne médiatique dissuasive est évocatrice à ce sujet. Privés de compétition après l’échec de Lagos en 1980, absents de la campagne libyenne en 82, sans aucun match de préparation, les Eléphants de Côte d’Ivoire abordent la compétition, portés par la seule foi du ministre des Sports, Laurent Dona Fologo, initiateur du « sursaut national »… et l’espérance d’un miracle.

Une cohorte de prestidigitateurs logés et nourris aux frais de la princesse est recrutée à cette fin. Au finish, l’aventure se solde par un fiasco retentissant. Les pachydermes, après un barrissement face aux Eperviers du Togo (3-0), sortent de la compétition au premier tour avec deux défaites (1-2 et 0-2) devant l’Egypte et le Cameroun, futur vainqueur du tournoi. Douze ans auparavant, le pays organisateur avait mordu la poussière à domicile en demi-finale devant le Congo-Brazzaville. « Ce que nous ne savions pas, c’est qu’un sorcier de l’équipe du Congo-Brazzaville avait décidé de faire dormir les Camerounais à 20h, le jour de la demi-finale (…) j’ai vu des Camerounais abandonner leurs voitures dans les parkings du stade Ahmadou Ahidjo… », page 44.

Anecdote intéressante non moins surprenante, le lecteur découvre à la page 17 que la légende du football ivoirien, l’empereur baoulé, le duc de Bretagne, ou encore l’homme d’Asmara, Laurent Pokou, avait été « viré » de l’équipe nationale pour…indiscipline. Qui l’eût cru !

Il a fallu une campagne médiatique tripartite radio, télé et presse pour obtenir une intrusion du politique dans le dossier. L’intervention musclée du ministre des Sports, Etienne Ahin qui débouche sur le retour de l’athlète dans le onze de départ lors du match retour Côte d’Ivoire – Mali comptant pour la CAN 70 au Soudan, au forceps,  est mise en relief à travers un échange surréaliste entre le politique et le sélectionneur. 

Le journaliste n’oublie pas de rappeler les menaces proférées à l’égard de ses confrères et lui-même par le ministre en cas d’échec face aux Aigles du Mali. « S’il ne nous qualifie pas, je ferai en sorte de briser vos carrières », page 18.

De tout temps, décideurs politiques et journalistes se crachent dans la bouche. Tout comme hommes de médias et sélectionneurs nationaux.

Avec le franc-parler que les Ivoiriens lui connaissent, Eugène Kacou, ne se prive pas de charger le technicien allemand. Peter Snitger est accusé d’avoir fait perdre le match d’ouverture de la CAN au Soudan face au Cameroun 2-3, les Eléphants menaient au score à la mi-temps 2-0, et la demi-finale face au Ghana. 

« Après le coup du thé à la mi-temps de Côte d’Ivoire-Cameroun, l’entraineur allemand de l’équipe de Côte d’Ivoire va commettre une autre erreur, emmener tous ses joueurs à Wwadmedani en bus à 300 kilomètres de Kharthoum faire 600 kilomètres, rentrer à 03h00 du matin et surtout donner un complexe de supériorité à ses joueurs. », page 38.

Il ne manque pas l’occasion de dépeindre les fragilités mentales et psychologiques des Ivoiriens ; « L’entraineur ghanéen Ben Kufi nous sait forts sur le terrain mais faibles psychologiquement alors, pendant 4 jours les Ghanéens travaillent le mental des Ivoiriens. Ils savent que les Ivoiriens ont peur des fétiches. (…) Le jour du match (la demi-finale) les joueurs ivoiriens descendent de leurs chambres par les fenêtres, suspendus à leurs draps … » ; page 39.

L’auteur revient sut le premier sacre continental de la Côte d’Ivoire en 1992. Au moment où plus personne ne s’y attendait. Il met un accent particulier sur la symbolique de cet événement historique où croyances religieuses, spiritualité et superstitions africaines s’entrelassent. 

La dernière partie de l’œuvre « Prolongation ?» apparait comme un hommage aux anciennes gloires du football ivoirien : Jean Tokpa, Ignace Wognin, Sékou Touré, Théo Dossou, Jean Kéïta, Ezan Emmanuel, Kallet Bially, Laurent Pokou. Le livre s’achève sur une dernière anecdote et non des moindres. Celle du président guinéen, Ahmed Sékou Touré, faite à deux journalistes ivoiriens à Conakry. A découvrir à la page 70.

Préfacé par Auguste Sévérin Miremont, ancien ministre de la Communication, imprimé en Côte d’Ivoire pour le compte de GAD Editions au 4ème trimestre 2023, « Mes Meilleurs CAN » se dévore d’un trait. Un livre dont  l’intérêt réside dans les anecdotes qu’il contient.

 

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